Mégalomanie
« Il y eut une fois, dans un recoin éloigné de l’univers répandu en un scintillement d’innombrables systèmes solaires, il y eut une fois un astre où des animaux intelligents inventèrent la connaissance. Ce fût la minute la plus arrogante et la plus mensongère de l’histoire du monde : mais une seule minute. La nature frémit encore de quelques respirations puis l’astre se figea et ce fut la mort de ces animaux intelligents. – Telle est la fable que quelqu’un pourrait inventer mais qui ne pourrait néanmoins suffisamment illustrer la façon misérable, fantomatique et éphémère, insensée et fortuite, dont se comporte l’intellect humain au sein de la nature ; il y a eu des éternités où il ne fut pas ; quand il aura de nouveau disparu, il ne se sera rien passé. Car, pour ce fameux intellect, il n’existe pas de mission allant au-delà de la vie humaine. Il n’est qu’humain, et seul celui qui le possède et l’engendre le considère avec pathos, comme s’il contenait l’axe sur lequel tourne le monde. Mais si nous pouvions comprendre le moustique, nous saurions que lui aussi volette dans les airs avec le même pathos, se sentant porteur du centre volant de ce monde. » (Friedrich Nietzsche)
Ce qui est certain c’est que si l’homme tolère bien, de temps à autre, quelques signes d’intelligence chez certains animaux, ce grand mégalomane n’acceptera jamais l’idée qu’il puisse avoir des concurrents dans ce domaine. Cela remettrait en cause une organisation pyramidale du monde qu’il a imaginée pour se rassurer, en se plaçant autoritairement au sommet. Cette mégalomanie pourrait bien mener cet « animal intelligent » (selon Nietzsche) à sa perte.